CONFÉRENCE: Chantal Jaquet, Les soubassements spinozistes de la théorie des transclasses

Les soubassements spinozistes de la théorie des transclasses

Bien que Spinoza se réfère à la notion de classe et aux affects de haine et d’amour qu’elle peut susciter, il serait totalement anachronique d’en faire le précurseur d’une théorie de la mobilité sociale ou du passage transclasse. Il ne se focalise nullement sur les individus qui, seuls ou en groupe, changent de classe sociale et voient leurs capitaux économiques, culturels, politiques se modifier profondément dans un sens ou dans l’autre. Spinoza, toutefois, est par excellence le philosophe du passage, de la transition : passage d’un état à un autre, passage joyeux d’une moindre à une plus grande perfection, passage triste d’une plus grande à une moindre, passage de la servitude à la liberté …, tout est affaire de passage cognitif ou affectif, d’augmentation ou de diminution de la puissance d’agir, aussi bien au niveau ontologique, qu’au niveau éthique et politique. 

Spinoza fournit donc des instruments conceptuels pour penser le cas particulier du passage transclasse, éclairer ses causes et ses effets, en sortant d’une logique de l’exception, d’une mythologie du don, du talent, ou de la bonne étoile, qui ne sont que les asiles de l’ignorance. Il s’agira alors de mettre au jour les soubassements spinozistes de la théorie des transclasses, qu’ils prennent la forme de fondements implicites ou d’emprunts conceptuels revendiqués, comme celui d’affect ou d’ingenium. Au-delà de son intérêt historiographique, cette démarche vise, d’une part, à mesurer la fécondité de la pensée de Spinoza qui produit des effets au-delà de son temps et au-delà de son champ, d’autre part, à éclairer la logique souterraine de l’invention philosophique de nouveaux concepts, comme celui de transclasse.